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L'expérience de Rosenhan : Quand le diagnostic crée la maladie

Prenez un instant. Respirez profondément. Ce que vous allez lire risque d’ébranler certaines de vos certitudes sur la santé mentale. L’expérience de Rosenhan, menée en 1973, continue aujourd’hui encore d’interroger notre manière de percevoir et de diagnostiquer les troubles psychiatriques.


🔬 L’expérience de Rosenhan : Peut-on être diagnostiqué malade sans l’être ?


En 1973, le psychiatre et psychologue David Rosenhan s’est posé une question simple mais fondamentale : comment distingue-t-on une personne atteinte d’un trouble psychiatrique d’une personne en bonne santé mentale ?


Il a alors mené une expérience devenue l’une des plus marquantes de l’histoire de la psychiatrie. Huit volontaires en parfaite santé mentale — dont Rosenhan lui-même — se sont présentés dans douze hôpitaux psychiatriques américains, simulant un seul symptôme : entendre une voix qui dit « vide », « creux » et « bruit ».


Tout le reste de leur comportement était parfaitement normal. Ils répondaient honnêtement aux questions des psychiatres et, une fois admis, arrêtaient de simuler tout symptôme.


🚨 Un piège psychiatrique : une fois étiqueté, impossible de sortir


🔹 Les résultats sont stupéfiants : tous les participants ont été diagnostiqués schizophrènes (sauf un, classé comme bipolaire) et hospitalisés. Leur durée moyenne d’hospitalisation fut de 19 jours. L’un d’eux est resté interné 52 jours.


🔹 Une fois l’étiquette posée, tout était interprété comme un symptôme de la maladie :


« Vous prenez des notes ? Signe d’obsession. »


« Vous refusez des médicaments ? Typique d’un patient paranoïaque. »


« Vous affirmez aller bien ? C’est du déni. »


Le plus ironique ? Ce ne sont pas les psychiatres qui ont découvert la supercherie, mais les vrais patients. Certains leur soufflaient : « Vous n’avez rien à faire ici, vous êtes des chercheurs, n’est-ce pas ? »


🎯 Le coup de grâce : le défi qui piège les psychiatres


Lorsque Rosenhan publia ses résultats, un hôpital, furieux, le mit au défi :

« Envoyez-nous de faux patients, cette fois nous saurons les repérer ! »


Rosenhan accepta. Pendant trois mois, l’hôpital examina attentivement chaque nouvelle admission et annonça avec fierté avoir détecté 41 imposteurs. Sauf que Rosenhan… n’avait envoyé personne.


🔹 Morale de l’histoire : Non seulement les psychiatres ne savaient pas distinguer une personne saine d’une personne malade, mais ils étaient également capables de voir des « imposteurs » là où il n’y en avait pas.


C’est un exemple frappant du biais de confirmation : nous avons tendance à interpréter les faits de manière à confirmer nos croyances préexistantes.


🔬 Expériences modernes : la psychiatrie a-t-elle changé ?


🌟 Lauren Slater (2004) : faux symptôme, vrai diagnostic


En 2004, la psychologue et journaliste Lauren Slater tente de répéter l’expérience. Elle consulte neuf psychiatres et déclare entendre un simple « bruit ».


Résultat ? Aucun internement, mais tous lui prescrivent des antipsychotiques.


🔹 Conclusion ? L’hospitalisation n’est plus systématique, mais la médicalisation excessive persiste.


🌟 Loring & Powell (1988) : L’influence des stéréotypes sur le diagnostic


Des psychiatres ont analysé les mêmes dossiers cliniques, mais avec une variable :


Certains patients étaient présentés comme blancs. D’autres comme noirs. cette distribution était aléatoire.


Résultat ? Les patients noirs étaient deux fois plus souvent diagnostiqués schizophrènes, à symptômes égaux.


🔹 Conclusion ? Le diagnostic psychiatrique peut être influencé par des facteurs sociaux et culturels.


🌟 University of Liverpool (2018) : L’effet des étiquettes psychiatriques


Les psychiatres ont reçu le même dossier patient, mais avec deux diagnostics différents :


Trouble anxieux pour un groupe.


Schizophrénie pour l’autre.


Résultat ? Lorsque le patient était étiqueté schizophrène :


Il était perçu comme plus dangereux.


Son pronostic était jugé plus pessimiste.


On recommandait un traitement plus lourd.


🔹 Conclusion ? Une étiquette psychiatrique modifie la perception du patient, même si les symptômes sont identiques.


💡 Conclusion : La psychiatrie, entre précision et vigilance


Ces expériences ne visent pas à décréditer la psychiatrie, mais à rappeler que le diagnostic psychiatrique est un outil, pas une vérité absolue.


Les psychiatres modernes ont fait d'énormes progrès, notamment en intégrant des approches plus personnalisées et en prenant en compte l’histoire du patient.


Mais une question demeure : si vous étiez hospitalisé demain, combien de temps vous faudrait-il pour prouver votre santé mentale ?


Si cela vous rappelle le film "Vol au dessus d'un nid de coucou" de Milos Forman en 1975, c'est normal...

 
 
 

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